L’Affaire Marcello Tunasi : Quand la Vérité Devient un Combat Public
Le Sermon de la Vérité
Ce dimanche 3 août 2025, dans l’enceinte de l’église La Compassion de Kinshasa, l’atmosphère était particulièrement tendue. Le pasteur Marcello Jérémie Tunasi, habituellement éloquent et serein, s’apprêtait à livrer l’un des sermons les plus personnels de sa carrière. Son thème : « Il y a un temps pour se taire et un temps pour parler« . Pour cet homme de Dieu respecté, le temps du silence était révolu.
Face à sa congrégation, le leader spirituel de 26 ans de ministère a brisé un silence de plusieurs mois pour répondre aux accusations qui circulaient depuis son remariage avec Esther Aïcha, célébré le 23 juillet 2025 à Bruxelles. Un an seulement après le décès tragique de son épouse Blanche Odia Kandolo, survenu le 12 juin 2024 en Turquie, cette union avait déclenché une tempête médiatique et familiale sans précédent.
Une Succession Qui Divise
Au cœur du conflit se trouve une question aussi ancienne que douloureuse : l’argent et l’héritage. Selon les révélations du pasteur, tout avait commencé par un geste d’amour. Souhaitant honorer la mémoire de son épouse défunte, Marcello Tunasi avait entrepris la construction d’une maison pour sa belle-mère sur l’une de ses parcelles à Bibwa, dans la banlieue de Kinshasa.
Ce qui devait être un projet de 250 000 dollars, financé par ses propres moyens, s’est rapidement transformé en une réclamation de 800 000 dollars de la part de la famille paternelle de Blanche. La demande était claire : la maison prévue ne devait pas être comptabilisée dans l’héritage, car elle était considérée comme « un cadeau que Blanche avait promis ». La famille exigeait donc une somme supplémentaire pour atteindre le montant total réclamé.
Plus troublant encore, certains membres de la famille avaient contesté la désignation légale de Marcello Tunasi comme liquidateur de ses propres biens, réclamant que ce rôle soit attribué à sa belle-mère. Une demande que le pasteur a catégoriquement refusée : « Comment je peux être vivant et c’est quelqu’un d’autre qui va liquider mes biens ? »
L’Inventaire de la Controverse
Face à l’impasse, un inventaire légal a été lancé conformément au Code de la famille en République Démocratique du Congo. Les résultats de cette expertise indépendante ont révélé une réalité bien différente des expectations familiales : la part réelle de l’héritage de Blanche est estimée à moins de 150 000 dollars, soit un montant inférieur à ce que le pasteur avait volontairement proposé au départ.
Cette différence s’explique par la structuration patrimoniale du couple Tunasi : certains biens avaient été mis totalement au nom des enfants, d’autres avaient été donnés à des œuvres caritatives. Notamment, leur parcelle de Limite avait été vendue à l’orphelinat à « un prix cadeau », réduisant d’autant la masse successorale.
Les Accusations les Plus Graves
Mais l’affaire a pris une dimension plus sombre avec des accusations d’une tout autre nature. Le pasteur fait état de menaces reçues depuis l’Afrique du Sud, où un correspondant anonyme prétendait détenir des enregistrements vocaux de conversations entre Blanche et sa mère. Ces conversations, sorties de leur contexte, étaient utilisées pour ternir l’image du couple et suggérer des dysfonctionnements matrimoniaux.
Plus grave encore, des accusations implicites de responsabilité dans le décès de Blanche ont été formulées. Face à ces insinuations, Marcello Tunasi a livré un témoignage émouvant : « Comment pourrais-je tuer la mère de mes enfants ? Priver Tabiri de sa maman ? Même quelqu’un qui vient de se convertir ne pourrait pas faire une telle chose. »
Le pasteur a relaté les circonstances du décès : Blanche était partie en Turquie le samedi pour une intervention chirurgicale, il l’avait rejointe le dimanche pour signer les documents nécessaires. Elle est décédée d’un arrêt cardiaque à l’hôpital, suite à des complications post-opératoires. Le rapatriement rapide du corps, souvent évoqué comme suspect, s’explique selon lui par ses moyens financiers et ses relations médicales.
La Rencontre avec Esther : Une Providence Contestée
L’autre volet de la controverse concerne sa relation avec Esther Aïcha. Le pasteur a fourni une version détaillée de leur rencontre, médiatisée par le prophète Ézéchiel Mulumba. Selon son témoignage, cette relation aurait commencé plusieurs mois après le décès de Blanche, dans un contexte de soutien spirituel et psychologique.
Esther Aïcha, de nationalité malienne avec des origines libanaises, résidait au Canada où elle exerçait des responsabilités dans le ministère chrétien. Prédicatrice, modératrice et interprète multilingue, elle aurait d’abord accepté de prier pour le pasteur en deuil avant qu’une relation plus intime ne se développe.
Le pasteur a insisté sur le caractère progressif et transparent de cette relation, et mentionne l’implication de ses enfants, ses conseillers spirituels et même ses parents avant la célébration du mariage. Une démarche qu’il présente comme respectueuse des convenances et de la volonté divine.
Une Defense Théologique et Pratique
Dans sa défense, Marcello Tunasi a mobilisé des références bibliques pour justifier sa prise de parole publique. Citant l’exemple de l’apôtre Paul qui « se justifia » devant le roi Agrippa dans Actes 26, il a légitimé son droit de répondre aux accusations : « Il y a un temps tu dois te taire et Dieu te défend. Mais un autre temps tu dois parler pour que Dieu te défende au travers de tes propres paroles. »
Cette approche théologique s’accompagne d’une critique des enseignements traditionnels qui prônent systématiquement le silence face aux accusations. Pour le pasteur, cette doctrine déséquilibrée pousse les victimes de calomnies dans la passivité, permettant aux détracteurs de prospérer impunément.
Un combat spirituel Selon Tunasi
Au-delà des aspects matériels et personnels, le pasteur présente cette affaire comme un combat spirituel. Il évoque « l’esprit du léopard », une entité démoniaque qu’il dit avoir vue en vision et qui lui aurait déclaré : « Tu veux me combattre ? Ce pays est tenu par un esprit de léopard, un esprit méchant. »
Cette dimension spirituelle permet au pasteur de contextualiser les attaques subies dans un cadre plus large de persécution des hommes de Dieu. Une interprétation qui trouve écho auprès de sa congrégation, habituée à ce type d’enseignement.
L’Impact sur la Communauté Religieuse
L’affaire Marcello Tunasi dépasse le cadre personnel pour interroger les pratiques et attentes autour du leadership religieux populaire. Elle soulève des questions fondamentales sur la gestion de la vie privée des leaders spirituels, les délais de deuil appropriés, et la transparence financière dans les ministères.
La réaction de l’église La Compassion témoigne d’une fidélité remarquable à son pasteur. Malgré les controverses, les fidèles continuent d’affluer aux cultes, démontrant une confiance maintenue dans leur leader spirituel. Cette loyauté s’explique peut-être par les 26 années de ministère irréprochable du pasteur et par sa capacité à maintenir un discours cohérent face aux accusations.
Des Zones d’Ombre Persistantes
Malgré les explications fournies, certaines questions demeurent sans réponse définitive.
- Les accusations concernant l’authenticité du certificat de décès de Blanche n’ont pas été directement abordées par le pasteur lors de son intervention du 3 août.
- De même, la chronologie exacte de sa relation avec Esther continue de faire débat, certaines sources évoquant des fiançailles dès septembre 2024.
Ces zones d’ombre alimentent les spéculations et maintiennent une part de mystère autour de l’affaire. Bien que le pasteur affirme que sa relation avec Esther aurait commencé plusieurs mois après le décès de Blanche – d’abord par des prières de soutien avant d’évoluer vers une relation plus intime – cette chronologie soulève des interrogations au sein de sa communauté.
Certains fidèles s’interrogent sur la cohérence entre les enseignements du pasteur et sa propre conduite. Dans ses prédications, Marcello Tunasi recommande habituellement de prendre le temps nécessaire pour bien connaître la personne avec qui l’on souhaite se marier, et conseille d’éviter tout remariage tant que l’on n’a pas fait le deuil complet de la relation précédente. De même, il exhorte régulièrement ses fidèles à demander à Dieu la maîtrise de leurs désirs et de leurs impulsions charnelles.
Cette apparente contradiction entre la doctrine prêchée et la pratique personnelle interpelle une partie de la communauté chrétienne. Certains observateurs se demandent si cette situation ne risque pas de fragiliser la crédibilité de ses futures prédications, le pasteur semblant, dans cette circonstance particulière, ne pas avoir appliqué les principes qu’il enseigne habituellement à sa congrégation.
Si le pasteur parvient à maintenir la cohésion de sa communauté et à démontrer la légitimité de ses actions, cette épreuve pourrait renforcer sa crédibilité et son influence.
À l’inverse, la persistance des doutes et l’émergence de nouveaux éléments compromettants pourraient fragiliser durablement son ministère. L’évolution de la procédure judiciaire concernant la succession, ainsi que les éventuelles révélations promises par le pasteur pour les mois à venir, seront déterminantes.
Cette affaire révèle également les défis spécifiques auxquels font face les leaders religieux africains contemporains, pris entre traditions familiales, attentes communautaires et modernité. Elle interroge les mécanismes de régulation et de contrôle dans les organisations religieuses, souvent marquées par une forte personnalisation du pouvoir.
L’affaire Marcello Tunasi illustre la complexité des relations humaines lorsqu’elles se déploient dans l’espace public. Elle montre comment des griefs familiaux peuvent se transformer en controverses médiatiques, comment des questions d’héritage peuvent devenir des enjeux de crédibilité publique.
Le pasteur a opté pour la transparence et la confrontation directe avec ses détracteurs. Cette stratégie audacieuse révèle sa confiance dans la véracité de ses arguments ainsi que dans la loyauté de sa communauté. Elle s’inscrit dans une approche communicationnelle contemporaine, où le silence n’est plus automatiquement interprété comme une marque de sagesse.
Cette démarche soulève néanmoins des interrogations sur l’authenticité et l’exhaustivité de cette transparence revendiquée. Comme le pasteur l’avait lui-même souligné dans ses prédications antérieures, l’Épouse du Christ – métaphore désignant l’Église – souffre régulièrement des comportements controversés de ses leaders religieux. Ces répétitions de scandales et de polémiques ébranlent progressivement la crédibilité de l’institution ecclésiastique et contribuent à l’éloignement de nombreux fidèles de leur foi.
Dans ce contexte, la question se pose de savoir si la transparence annoncée par le pasteur sera réellement complète ou si elle demeurera sélective, ne révélant que les éléments favorables à sa défense.
L’avenir dira si cette approche permettra d’apaiser les tensions et de restaurer pleinement la sérénité autour du ministère de La Compassion. En attendant, cette affaire restera un cas d’école sur la gestion des crises de réputation dans le contexte religieux contemporain.
Sources
- COMPASSION TV, « PS MARCELLO TUNASI _ DIM 03/08/2025 », YouTube, 3 août 2025
- Dunia News, « Affaire Marcello Tunasi : entre témoignage spirituel et révélations familiales », 1er août 2025
- Actualite.cd, « Marcelo Tunasi: ‘Je n’ai pas tué la mère de mes enfants' », 3 août 2025
